L’Office français de la biodiversité (OFB) prend rarement la lumière. Les projecteurs, c’est souvent contre son gré, quand la tension est maximale. La crise agricole l’a confirmé. Ces dernières semaines, la police de l’environnement a vu ses locaux arrosés de fumier, et certains de ses agents menacés. La direction a porté plainte pour chaque dégradation. Suffisant pour calmer « l’OFB-bashingbashing » dénoncé par les syndicats ? « Les agents se sont sentis lâchés, désignés comme des boucs émissaires », peste Véronique Caraco-Giordano, secrétaire générale du SNE-FSU.
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Pourquoi, parmi leurs revendications, les agriculteurs ont-ils dans le viseur ces 1 700 fonctionnaires chargés de la gestion des ressources en eau, des espaces naturels, des contrôles de la chasse, de la pêche… et des exploitations ? Les paysans les estiment abusifs. A l’occasion, ils comparent même les agents à des cow-boys. Si la pédagogie a parfois pu faire défaut, l’appréciation se heurte à l’épreuve des chiffres. « Il y a moins de 3 000 contrôles administratifs annuels pour 390 000 exploitations. On revient donc une fois tous les cent trente ans. Et un contrôle se passe mal tous les deux cent soixante ans, en moyenne. La pression exercée est faible », constate Olivier Thibault, le directeur général de l’OFB.
Qu’importe : les syndicats majoritaires – FNSEA en tête – réclament l’allégement des contrôles et le désarmement des agents. Pour désamorcer la crise à peu de frais, Gabriel Attal est allé dans leur sens. « Est-ce qu’il faut vraiment venir armé quand on vient contrôler une haie ? » s’est-il interrogé le 26 janvier en Haute-Garonne. « Est-ce qu’on demande aux gendarmes de sortir sans armes ? », rétorque Véronique Caraco-Giordano.
« L’OFB est un fusible facile »
La phrase, c’est peu dire, est mal passée en interne. « Il s’est laissé embarquer avec ses bottes de paille. L’OFB, c’est le fusible facile : on tape dessus, et on détourne l’attention », regrette Guillaume Rulin, du syndicat EFA-CGC. Matignon a multiplié les annonces à destination les agriculteurs, sans un mot de soutien pour l’OFB, à qui il a été demandé de faire profil bas. « Il était difficile de poser rationnellement le problème au milieu de la crise, mais le dialogue et la communication ont pu reprendre dans un second temps », précise le directeur général.
La câlinothérapie a été déléguée à Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique. Lors d’une visio avec tous les agents, le 15 février, le désarmement n’était plus un sujet. Cette mesure ne figurait pas non plus dans les annonces du Premier ministre le 21 février. Pour apaiser la tension lors des contrôles, ses services évoquent en revanche une future convention entre l’OFB et les chambres d’agriculture. Mais ces dernières ont déjà fait savoir que leur signature sera conditionnée à certains points, dont… le désarmement.
L »OFB, le « totem d’une incompréhension »
Ce débat illustre la manière dont l’OFB est devenu « le totem d’une incompréhension, déplore Olivier Thibault. Les agents prennent pour l’ensemble des réglementations ». Le sociologue Léo Magnin, coauteur de Polices environnementales sous contraintes (éd. Rue d’Ulm), abonde : « Avec peu de moyens, ils essaient de faire advenir un ordre environnemental qui n’existe pas, et se retrouvent à gérer les contradictions entre impératifs économiques et écologiques. »
L’Office, surtout, est empêtré dans un entrelacs de rapports de force : il est sous la double tutelle des ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique et, localement, des préfets et des procureurs, en fonction de l’activité des agents. « Les annonces du Premier ministre étaient une manière de mettre en avant les syndicats agricoles, le ministère de l’Agriculture et les préfets. En somme, la conciliation d’intérêts locaux, corporatistes et politiques, au détriment de la mise en œuvre du droit de l’environnement », poursuit le chargé de recherche au CNRS.
Les syndicats s’inquiètent « d’une réputation et d’une légitimité ébranlées », ainsi que d’une rupture de confiance avec les agriculteurs, avec lesquels ils travaillent en bonne intelligence dans la majorité des cas. Pour Guillaume Rulin, « la crise va laisser des traces, chez eux comme chez nous. Finalement, les contrôles risquent d’être encore plus tendus ».
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