Sollicité à son tour par l’excellente collection Ma nuit au musée, après les livres magnifiques de Lola Lafon dans la chambre d’Anne Frank et de Christophe Boltanski au musée de Tervuren, il choisit le musée Guimet des arts asiatiques à Paris.
Son livre démontre qu’on peut voyager loin, tout en restant sur place dans un musée, entouré de toutes ces figures de dieux, demi-dieux, bouddhas divers, apsaras aguicheuses. Il a choisi de déplier son lit de camp au pied d’une statue de Jayavarman VII, roi d’Angkor.
Beauté intacte
Armé d’une lampe pour trouer la nuit et d’un paquet de biscuits, il se promet de parcourir les étages du musée et ses sous-sols, “merveilleusement seul pour accueillir cette beauté intacte. ”
Dans une langue magnifique, Jean-Luc Coatalem laisse vagabonder ses réflexions et son imagination face aux trésors du Guimet qui surgissent des ténèbres, l’un après l’autre. Il rappelle le souvenir de ses chers maîtres du voyage que sont pour lui Victor Segalen et Paul Gauguin. Il évoque aussi la figure aimée de son grand-père qui venait visiter le dimanche le Guimet. Il rappelle même son propre passé dadaïste, frondeur, de sa jeunesse quand il avait projeté de faire un vol au Louvre comme une performance !
guillement Un surplus d’imaginaire, où j’aurais l’illusion d’être délivré des obligations.
Le Michel-Ange de l’Orient
Certes, rien ne vaut la visite à Luang Prabang au Laos, ou à Angkor, au cœur de la jungle, avec Angkor Vat, gigantesque temple-montagne entouré de douves, habité par quelques moines en robe safran, et dont les murs sont garnis d’un énorme bas-relief racontant les exploits du Ramayana. Ou d’aller aux grottes bouddhistes de Dunhuang dans le désert chinois, ou d’arpenter le Gandhara, terre des mélanges gréco-bouddhiques.
Mais déjà admirer toutes ces œuvres au Guimet est pour Coatalem un formidable viatique qu’il recherche “dans le silence du musée, parmi la cohorte des rois, la clique des singes et les volées de dragons. Comme si les musées, à l’instar des œuvres littéraires, pouvaient nous affranchir de cette frontière entre les vivants et les morts, le réel et le rêve, ce qui fut et ce qui est. Et où, cette fois encore, à mon tour, je ne serais plus enseveli sous le poids des jours mais, au contraire, réaffuté, redevenu neuf et vibratile. Sensible au crépitement. Présent. ”
Il rappelle le passé de ce musée et la personnalité d’Emile Guimet (1838-1918) philanthrope lyonnais richissime dont il aime le côté “capitaine Nemo. Il s’est fait son propre catalogue d’objets choyés, de livres choisis, comme s’il devait les emporter avec lui dans le Nautilus”. Il rappelle les figures des grands explorateurs d’Angkor, Mouhot et Delaporte, qui découvrirent dans Angkor Vat, “le Michel-Ange de l’Orient”.
Les grottes bouddhistes de Dunhuang
Dans sa nuit au musée, il s’en va rejoindre ce qu’il appelle joliment, “ces pays tricotés avec du trouble et des songes”.
Au passage, il cite deux autres célèbres voyageurs de papier : le capitaine Haddock et le Tintin des Cigares du Pharaon.
Jean-Luc Coatalem nous offre un très beau voyage en Orient, avec une nuit d’où on sort, écrit-il, “enfermé en soi dans des univers figés. Précipité dans la mémoire des autres. Et où chaque instant miraculeux serait à saisir entre ses mains comme un reflet dans l’onde. ”
⇒ Une chambre à l’Hôtel Mékong | Récit | Jean-Luc Coatalem | Stock, collection « Ma nuit au musée », 195 pp. 18,90 €, numérique 14 €
EXTRAIT
“À moi de me tourner vers ce qui pourrait être encore là, intact, frotté par les fleurs et les encens, tout ce qui fut magique, et qui n’attendrait que la clé, c’est-à-dire le désir, contre l’oubli et l’instinct. Et je me rappelais cette nuit à Venise, cette ville où les pigeons marchent et où les lions volent. ”
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