Calmer le jeu. Après l’emballement des fêtes de fin d’année et des premiers jours de janvier, tel était l’objectif de l’entrevue qui s’est tenue le vendredi 5 janvier, au petit matin, au ministère de la culture. Ce jour-là, juste avant d’assister à l’hommage national rendu au socialiste Jacques Delors, dans une cour des Invalides glaciale, Rima Abdul Malak – qui restera une poignée de jours encore ministre, avant la nomination surprise de Rachida Dati – reçoit le président de l’Institut Curie, Thierry Philip.
L’enjeu : tenter d’apaiser la controverse. D’un côté, les porteurs d’un ambitieux projet scientifique, défendu par ce centre de recherche et cet hôpital de pointe spécialisé dans la lutte contre le cancer ; de l’autre, les partisans de la sauvegarde du pavillon des Sources, situé au cœur du 5e arrondissement de Paris. Sous son allure modeste, ce bâtiment de brique claire de 109 mètres carrés, rue d’Ulm, fait partie de l’illustre Institut du radium. Construit entre 1911 et 1914, autour des travaux de Marie Curie, il se trouve à deux pas du Panthéon et de l’Ecole normale supérieure. Le projet en prévoit la démolition pour faire place à un bâtiment de cinq étages et 2 500 mètres carrés, hébergeant des laboratoires d’excellence, promesse de progrès médicaux.
Les travaux devaient démarrer trois jours plus tard, lundi 8 janvier, mais les deux interlocuteurs conviennent, ce matin-là, de faire une – courte – pause. Moins d’une semaine plus tard, rue de Valois, Rima Abdul Malak, dans son discours de départ du ministère, glisse à sa successeure : « Je sais, chère Rachida, que tu vas veiller au destin du pavillon des Sources de Marie Curie. » De fait, la nouvelle ministre de la culture avait pris position, cet automne, en tant que conseillère d’opposition à la Mairie de Paris, contre ce projet, sur fond de querelles politico-parisiennes, avant que le débat ne s’électrise.
Espaces verts vitaux
Début janvier, Stéphane Bern, « M. Patrimoine », tout comme les associations féministes, entrent en scène. Il n’était plus question seulement de patrimoine, mais de préservation de la mémoire d’une icône, Marie Curie (1867-1934), seule femme à ce jour à avoir reçu deux fois le prix Nobel, de physique en 1903 et de chimie en 1911. En regard, l’enjeu est de créer un environnement favorable à l’innovation médicale.
Le projet de l’Institut Curie, pour un coût de 12 millions d’euros, est né il y a cinq ans. « Il est emblématique de la pluridisciplinarité que nous portons, dans la dynamique de Marie Curie », explique le professeur Philip. L’idée est de rassembler en un même lieu des équipes de biologistes et de chimistes. L’objectif : découvrir de nouvelles cibles moléculaires, fabriquer des composés chimiques capables de freiner le développement des tumeurs, puis évaluer ces traitements chez de premiers patients – après dépôts de brevet et créations de start-up. « Si l’on veut que les thérapies du XXIe siècle se développent en France, il ne faut pas bloquer ce type de projets », explique Fatima Mechta-Grigoriou, à la tête de cette nouvelle unité. « Le meilleur moyen de représenter la mémoire de Marie Curie, c’est de maintenir l’excellence scientifique de cet Institut », renchérit Raphaël Rodriguez, chercheur phare du programme.
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