Les perturbateurs endocriniens sont ils susceptibles d’augmenter la dysphorie de genre, le sentiment de vivre dans un corps qui appartient à l’autre sexe ? Une étude menée chez les enfants de mères exposées au Distibène, un œstrogène de synthèse utilisé pour prévenir les fausses couches de 1940 à 1977 en France, montre une prévalence au transsexualisme féminin d’1,58 % chez les enfants nés garçons contre un pour 16 000 dans la population générale.
Ce sont les lettres envoyées par les « enfants Distilbène », un œstrogène de synthèse prescrit à 200 000 femmes enceintes entre 1948 et 1977 pour prévenir les fausses couches, qui ont alerté Marie-Odile Soyer Gobillard. La biologiste, ex-directrice de recherche au CNRS, dispose, avec l’association Hhorages-France (Halte aux HORmones Artificielles pour les GrossessES), créée en 2002, d’une solide base de données sur l’exposition des femmes enceintes aux perturbateurs endocriniens, en l’occurrence le Distilbène (DES, diéthylstilbestrol) qui s’avérera toxique pour les bébés, puis les enfants de ces enfants.
Malformations, cancers, santé mentale, les effets délétères, y compris transgénérationnels, de la molécule ont fait l’objet de nombreuses études, certaines réalisées à partir de la cohorte Hhorages, forte de 1200 mères et près de 2000 enfants.
À partir de 2015, des mails au contenu inédit arrivent dans la messagerie de Marie-Odile Soyer Gobillard, à Perpignan : « Ce n’est pas sans émotion que j’ai parcouru votre site », écrit Marie-Olivia, née garçon en 1961, d’une mère « sous DES », à fortes doses : « Même les pharmaciens s’inquiétaient des ordonnances que mon père leur présentait ».
« Je me suis sentie fille de tout temps »
« Depuis mon enfance, j’ai un profond problème identitaire de genre » rapporte ce premier témoin « en transition » après « de très graves automutilations ». Elle s’est sentie fille « de tout temps, même en bas âge ». La situation, qui s’est « clarifiée vers 8-9 ans », « n’a fait que s’amplifier ».
« Aussi loin que je me souvienne et qu’existe une conscience du genre », Christelle, née garçon sous DES en 1963, s’est aussi sentie de l’autre genre. Elle raconte aussi à Marie-Odile Soyer Gobillard 43 ans de vie dans un corps d’homme, « un dédoublement total de personnalité ». Ses premiers flirts où elle « affirme une virilité pour mieux cacher une fantasmatique féminine ». Elle sera père et vivra vingt ans en couple avant son « coming out, l’opération, le changement d’identité, la reconstruction ».
Sarah a aussi changé de genre. Un autre témoin, aujourd’hui âgé de 70 ans, est sous hormones féminines depuis 1997, mais n’est pas allé au bout de la démarche de transition.
« Même si le DES ne peut être généralisé à tous les cas de transidentité, nous continuons à suivre attentivement toutes les découvertes le concernant », écrit prudemment Marie-Olivia.
L’étude relayée par la NIH américaine
Chercheurs et médecins, qui savent le sujet sensible, mettront presque dix ans à mener l’enquête qui vient de donner lieu à une publication scientifique aux Etats-Unis dans le Journal of Xenobiotics. Les Dr Laura Gaspari-Sultan et Françoise Paris, de l’équipe de Charles Sultan, professeur émérite d’endocrinologie pédiatrique au CHU de Montpellier et déjà auteur de publications sur les effets transgénérationnels du DES, sont les deux premières signataires. Deux responsables associatifs y sont associés : Marie-Odile Soyer Gobillard et Scott Kerlin, de l’association américaine DES International.
Le document, aujourd’hui relayé par le puissant NIH (National Institutes of Health) aux Etats-Unis, conclut que « la prévalence du développement transgenre féminin est singulièrement élevée chez les enfants masculins dont les mères ont pris du DES pendant leur grossesse. Au sein du groupe des individus exposés au DES, l’incidence de la dysphorie de genre a été trouvée dans 1,58 % des cas, alors que sa fréquence dans la population contrôle est d’environ 1 sur 16 000″.
Pour parvenir à ces conclusions, les scientifiques ont sélectionné et interrogé, si besoin examiné, les garçons « trans » nés d’une mère sous Distilbène. Il s’avère que si cette femme a eu d’autres garçons, avec un même père, mais sans prendre de DES cette fois, aucun n’est “trans”.
Les auteurs concluent que « les perturbateurs endocriniens environnementaux » comme le DES, très proche dans sa formulation du Bisphénol A, et « modèle d’étude des perturbateurs endocriniens environnementaux », insiste Charles Sultan, également signataire de l’article, « pourraient représenter un facteur de risque du développement du transsexualisme féminin ».
Le rôle du cerveau dans la construction de l’identité de genre
« L’hypothèse selon laquelle les garçons DES pourraient présenter des troubles de l’identité de genre n’est pas une idée originale. Elle a été émise dans une thèse jamais publiée de 2004. Et Scott Kerlin estime que dans la cohorte américaine, un garçon DES sur trois est touché, mais il n’est pas médecin, et là encore, l’étude n’a jamais été publiée », rapporte Charles Sultan, aujourd’hui président du comité scientifique de l’association Générations futures.
Le mécanisme d’action des perturbateurs endocriniens sur le cerveau, causant des troubles de l’identité de genre à l’adolescence est en revanche largement documenté, comme le rôle du cerveau dans la construction de l’identité de genre.
Laura Gaspari et Charles Sultan expliquent que le DES, et plus largement les perturbateurs endocriniens environnementaux, qui miment les hormones féminines tout en bloquant les récepteurs des hormones masculines, « modifie l’équilibre hormonal de la mère pendant la vie fœtale et agit sur les zones responsables de l’acquisition de l’identité de genre au début de la vie ».
Les sujets transgenres de la cohorte « n’ont pas d’anomalie d’origine génétique », ce sont bien des hommes XY sans altération de gènes connus du trouble de l’identité masculine. « Ces garçons n’avaient aucune malformation génitale significative, ni désordre de la différenciation sexuelle », précisent les médecins.
Débat aux Etats-Unis avec Kennedy Jr
Si les effets délétères du distilbène, y compris sur plusieurs générations, qui ont valu une indemnisation record d’1,7 M€ à une victime, en 2011, ne sont pas discutés, la question du rôle du cerveau dans le sentiment d’être fille ou garçon reste hautement sensible.
Une étude de chercheurs de l’Université de Stanford (Californie), qui concluaient le mois dernier qu’hommes et femmes sont sexués par leur cerveau, a touché un « sujet inflammable », dit le journal Le Monde, qui relaie les conclusions.
Aux Etats-Unis, Robert F. Kennedy Jr, neveu de John Fitzgerald, porteur d’une « troisième voie » entre Trump et Biden, a fait des perturbateurs endocriniens un sujet de campagne. Mais en s’engouffrant sans mesure dans l’idée simpliste d’un lien direct entre les substances chimiques présentes dans l’eau que boivent les enfants et leur sexualité future, qu’ils soient homosexuels ou transgenre, le candidat indépendant, taxé de « complotisme », s’attire les foudres des scientifiques.
« Marie-Odile Soyer-Gobillard nous a sensibilisés depuis plusieurs années sur la base des témoignages qu’elle recevait. La communauté médicale est très frileuse sur ces questions alors que la prévalence des troubles de l’identité de genre, susceptible d’apparaître dans l’enfance, augmente. L’an dernier, quand le sujet a été abordé dans un congrès d’endocrinologie, nos recherches ont reçu un accueil glacial », se souvient Laura Gaspari.
« On a pris du temps pour écrire l’article, le sujet dérange », conclut l’endocrinologue. A minima, il interroge.
Marie-Odile Soyer-Gobillard : « Un travail pionnier »
Présidente de l’association Hhorages, Marie-Odile Soyer-Gobillard a mis sa cohorte de patients au service de la recherche, qu’il s’agisse des équipes d’endocrinologie pédiatrique ou de psychiatrie du CHU de Montpellier ou de l’équipe de psychiatrie moléculaire de l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Dans « Une résilience », paru en 2022, elle fait état des recherches sur les effets toxiques du Distilbène et raconte son histoire de mère de deux enfants nés sous DES et disparus tragiquement, ainsi que celle d’autres victimes. L’association et la sculpture (les oeuvres en photo sont les siennes) l’ont « sauvée » dit-elle.
Dans quelles conditions sont arrivés les témoignages de ces hommes nés sous Distilbène, qui se sont toujours sentis femmes ?
J’ai reçu les trois premiers courriers en 2015. On a posé les mêmes questions à nos témoins : est-ce qu’ils avaient une malfformation génitale à la naissance, est-ce qu’ils avaient changé de sexe, un bilan hormonal avait-il été réalisé à cette occasion, depuis quand se sentaient-ils filles.
Ces premiers témoignages ont donné lieu à un article préliminaire présenté au colloque de gynécologie de Paris, en 2016. Il n’y a eu aucun retentissement. Le sujet est très polémique, il faut être très prudent, c’est un travail pionnier et il était pour cela important d’associer Scott Kerlin à l’étude, il est à la tête de la principale association de patients DES aux Etats-Unis.
La cohorte sur laquelle vous travaillez est suffisamment importante pour ne pas prêter à la critique, vous avez quatre transsexuelles…
Oui, elle est inscrite au portail épidémiologique de l’Inserm. Avec 1200 mères et près de 2000 enfants, c’est une cohorte importante.
Vous donnez la parole à quelques-uns de ces témoins dans votre livre « Une résilience ou les trois Marie-Odile, le combat d’une scientifique contre les hormones de synthèse ». Que deviennent-ils ?
Trois ont changé de genre, elles sont photographe, compositeur, professeure d’ULM. Elles ont été mariées en tant qu’hommes et ont des enfants, parfois avec des problèmes de santé en raison des effets transgénérationnels du Distilbène.
Elles témoignent toutes de l’épreuve qu’elles ont traversée, c’est difficile à vivre.
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