« Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège ! Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé. »

Des mots forts et une voix inoubliable, gravés pour toujours dans sa mémoire, en ce 19 décembre 1964. Ce jour-là, les cendres de Jean Moulin, unificateur des mouvements de Résistance, dont on commémore cette année les 80 ans de la mort, sont transférées au Panthéon, à Paris.

Marie-Cécile Navière ne se souvient pas du vent glacial qui soufflait alors sur Paris ni de la durée de la cérémonie. « J’étais complètement hors du temps, bouleversée », se remémore-t-elle.

Comme hypnotisée par la solennité et la force de l’instant, consciente de vivre un moment historique. Alors libraire de 30 ans, employée “Au temps retrouvé”, rue Saint-Jacques et place du Panthéon, sa patronne lui donne l’autorisation de sortir de la librairie pour mieux voir la cérémonie et entendre le discours du ministre André Malraux, et aussi parce qu’elle est originaire d’Eure-et-Loir, département dont Jean Moulin fut préfet de 1939 à 1940.

« J’étais complètement hors du temps, bouleversée »

« Un pupitre était installé entre la librairie et le Panthéon pour qu’André Malraux lise son discours. Sa voix était inimitable, très forte et sûre, c’est comme si je le voyais et l’entendais encore, raconte-t-elle, les yeux rougis. J’ai vu arriver le cortège, qui s’est arrêté rue d’Ulm. J’ai eu la chance d’assister à un moment historique. Comme peu auront la chance d’en vivre. Après son discours, plus rien. Le silence. »
Elle s’arrête un instant, repense à la scène et reprend : « Puis, avant l’entrée au Panthéon, en sourdine, Le Chant des partisans. On ressentait tout l’hommage rendu par la Nation à celui qui s’est sacrifié. Je suis encore très émue. C’était quelque chose qui vous prend aux tripes. »

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Lorsqu’elle est de retour au travail après la cérémonie, sa patronne comprend son trouble. « Elle m’a dit, Marie-Cécile, allez aux journaux, comme ça, vous ne vous perdrez pas. Elle a vu que j’étais submergée, incapable de travailler correctement. »
Après plusieurs années à Paris, elle retrouve son Eure-et-Loir et se passionne pour la vie de Jean Moulin. Elle montre tout ce qu’elle a gardé, classé, archivé, dont beaucoup d’articles de L’Écho Républicain. C’est d’ailleurs après avoir lu des sujets consacrés à Jean Moulin dans nos colonnes qu’elle a contacté la rédaction.
Elle regrette que son âge et son dos l’empêchent de se rendre aux événements organisés dans le département dans le cadre des 80 ans de la mort du grand résistant.

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Elle a aussi appris qu’Emmanuel Ray allait se produire au Off de Chartres, en février, pour lire des extraits de Combat, de Jean Moulin. « Je ne sais pas où est le Off, je ne suis plus dans le coup depuis longtemps, mais j’aimerais beaucoup pouvoir m’y rendre. »
À la fin de sa lettre adressée à notre rédaction, qu’elle montre fièrement, elle a écrit : “Tout à l’honneur de Jean Moulin, héros national eurélien”.
« Je suis un peu chauvine évidemment. Je me suis demandé comment il allait le prendre, car j’aurais pu écrire héros national tout court », s’amuse-t-elle, dans un sourire un peu espiègle.